Quelle responsabilité pour les dirigeants d‘associations ?

14 Novmbre 2017

Quelle responsabilité pour les dirigeants d‘associations ?

Publication dans la Revue des APAJH n°115 - février 2017.

 

Contrairement à une idée fausse largement répandue, particulièrement dans les associations à but non lucratif, les dirigeants engagent leur responsabilité personnelle dans le cadre de leurs activités associatives. Compte tenu de la nature de leurs missions, particulièrement dans le domaine médico-social, cette responsabilité peut avoir des conséquences dramatiques tant pour les dirigeants que pour l’association et ses usagers.

Publication dans la Revue des APAJH n°115 - février 2017.

 

Notion de dirigeant

Ce sont les statuts qui déterminent l’organisation de la direction de l’association.

Sont considérés comme dirigeants le Président, les administrateurs, et le ou les directeurs dans la limite des délégations de pouvoirs qui leur sont données.

 

Responsabilité civile

Responsabilité à l’égard de l’association

Parce qu’il est le mandataire de l’association, le dirigeant répond à l’égard de celle-ci des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission (article 1992 du Code civil). Il s’agit d’actes contraires à la loi, aux statuts ou aux intérêts de l’association

La responsabilité des dirigeants d’une association peut être recherchée devant les tribunaux, pour les fautes commises dans leur gestion, sous réserve que ces fautes aient fait subir un dommage à l’association et que cette dernière en demande réparation.

La faute de gestion n’est pas définie par la loi et ce sont les tribunaux qui la déterminent au cas par cas.

Classiquement, c‘est un acte ou une omission qui ne s‘inscrit pas dans l‘intérêt social de l‘association.

Ce sera par exemple le cas des dirigeants qui procèdent à des dépenses dans leur intérêt personnel.

Mais aujourd‘hui, une faute de gestion peut aussi bien viser une fraude ou un abus caractérisés, qu‘une simple imprudence dans la conduite de l‘association.

Ce sera ainsi le cas d’un manque de surveillance ayant facilité un détournement de fonds ou des dépenses somptuaires par rapport aux moyens financiers et/ou à l’activité de l’association

Responsabilité à l’égard des membres ou des tiers

A l’égard des tiers, c’est l’association qui est normalement responsable des fautes commises par le dirigeant dans l’exercice de son mandat.

Mais la responsabilité personnelle du dirigeant peut être mise en cause lorsqu’il commet une faute séparable de ses fonctions. Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d‘une particulière gravité incompatible avec l‘exercice normal des fonctions sociales (Cass.com 20 mai 2003 n° 99-17092), peu important que le dirigeant ait agit ou pas dans la limite de ses attributions (Cass.com 10 février 2009 n°07-20445).

 

Responsabilité pénale

Accident intentionnel ou non

Si l‘article L 121-2 du Code pénal prévoit que les personnes morales sont responsables pénalement " des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ", cela n‘exclut pas que les dirigeants puissent aussi être poursuivis.

En cas d’accident, le caractère intentionnel est constitué en cas de mise en danger « délibérée » d’autrui ou de non-respect d’obligations de prudence ou de sécurité prévues par la loi (article L 121-3 alinéas 2 et 3 du Code pénal).

La responsabilité s’étend à celles et ceux qui ont « contribué à créer la situation » si l’on peut prouver qu’ils ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité » (article précité alinéa 4), et ceci quand bien même la violation procèderait-t-elle d’une ignorance de l’obligation ou d’une simple négligence.

Infractions personnelles

Si le dirigeant a commis (même par omission) une action délictueuse, ou agi par intérêt personnel, il pourra être poursuivi. En cas de faute intentionnelle (abus de confiance, faux, injures, violence...) les dirigeants sont presque toujours condamnés en même temps que l‘association.

 

Responsabilité d‘employeur

En tant qu‘employeur, l‘association porte une lourde responsabilité.

Ici encore, le dirigeant peut être mis en cause en cas de négligence manifeste car il est considéré comme l’employeur en matière sociale : la responsabilité des infractions liées à la législation du travail (durée du travail, hygiène et sécurité, harcèlement moral…) et des infractions concernant la sécurité sociale (paiement des cotisations sociales, déclarations obligatoires…) incombe au président de l’association.

Les dirigeants condamnés encourent, selon la nature et la gravité des faits qui leur sont reprochés, une amende, une peine de prison, une peine privative ou restrictive de droit, une sanction-réparation (verser une indemnisation à la victime du préjudice)...

 

Prévenir les risques de mise en jeu de la responsabilité

La difficulté pour les administrateurs, et particulièrement pour le président sur lequel pèse une lourde responsabilité, est l’accès à l’information.

De plus, les administrateurs, parce qu’ils sont des bénévoles, n’ont fréquemment pas la technicité suffisante pour prendre les décisions requises dans des domaines nécessitant des connaissances pointues (réglementation du travail par exemple).

Il faut travailler le flux de l’information. L’information doit être partagée. Elle doit être claire, précise.

Chacune des fonctions au sein de l’association doit être définie clairement et la chaîne décisionnelle doit être formalisée.

A cet égard, iI faut veiller à ce que la fiche de poste du directeur général soit claire et précise et détermine l’étendue exacte de sa capacité d’engagement. Il doit en être de même pour les subdélégations des salariés placés sous la responsabilité hiérarchique du directeur général.

Une délégation du Conseil d’Administration au Bureau permettrait aussi de clarifier les rôles respectifs de ces deux instances et une bonne transmission des informations. Pour les associations qui en possèdent, très souvent en effet le bureau est confondu avec le conseil d’administration.

Au delà de ses outils classiques, ce qui compte surtout c’est la manière dont est piloté le projet associatif. La concentration des pouvoirs sur une seule personne est un facteur de risques certain pour l’association et ses dirigeants. Depuis quelques années, une tendance semble s’affirmer vers la recherche d’une organisation basée sur une gouvernance institutionnelle (Président et administrateurs) focalisée sur la conformité et le contrôle et une gouvernance d’activité, focalisée sur la réalisation des objectifs (Directeur général).

 

                                                                                  Aude BOURUET AUBERTOT

                                                                                  Avocat au Barreau de Paris