Bail commercial : durcissement des effets de la clause résolutoire (Cass.3ème civ. 26/10/2023 n°22-16.216

12 Décembre 2023

Bail commercial : durcissement des effets de la clause résolutoire (Cass.3ème civ. 26/10/2023 n°22-16.216

Une société civile titulaire d’un bail commercial et en retard du paiement de ses loyers, se voit délivrer par son bailleur un commandement de payer visant la clause résolutoire.Intro à rédiger.

 

Une société civile titulaire d’un bail commercial et en retard du paiement de ses loyers, se voit délivrer par son bailleur un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Ce commandement n’ayant pas été suivi d’effet le bailleur assigne la SCI en référé.

Devant le juge des référés, la SCI sollicite et obtient 24 mois de délais. Le juge précise dans son ordonnance qu’à défaut du paiement à bonne date d’une seule mensualité et du loyer courant, la clause résolutoire reprendra ses effets et que le bailleur pourra alors faire expulser la SCI.

Pendant une période de huit mois, la locataire s’acquitte, en plus de son loyer courant, de mensualités supérieures à celles fixées par le juge des référés de sorte que la dette locative était quasiment apurée à 31 € près.

Le bailleur considérant que l’échéancier n’est pas respecté fait expulser la SCI.

Celle-ci sollicite et obtient du Juge de l’Exécution (en appel) sa réintégration.

Elle fait valoir à cet effet la mauvaise foi du bailleur (la dette locative ayant été quasiment soldée dans un délai plus court que celui octroyé) et l’impossibilité dès lors pour ce dernier de se prévaloir de la clause résolutoire.

La Cour d'appel fonde sa décision sur cette condition de bonne foi du bailleur. Elle considère notamment, qu'au vu de la somme déjà versée par la locataire dans le délai imparti et du solde minime restant dû, la mise en œuvre de la clause résolutoire  a été effectuée de mauvaise foi .

II.LA DECISION DE LA COUR DE CASSATION  ET SA PORTEE

La Cour de cassation censure la Cour d’Appel au visa de l’article L 145-41 du Code de commerce.

Pour elle, la bonne ou mauvaise foi du bailleur est indifférente : dès lors que l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée (n’ayant pas été frappée d’appel), et que les délais fixés par cette ordonnance n’ont pas été respectés, la clause résolutoire doit reprendre ses effets.

De ce fait, en jugeant que la clause résolutoire devait être considérée comme n'ayant pas joué alors même qu'elle avait parallèlement constaté que la locataire n'avait pas respecté les délais de paiement accordés par l'ordonnance de référé, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.

Cette décision constitue, sinon un revirement, à tout le moins un durcissement notable par rapport aux précédentes décisions rendues en la matière mettant l'accent sur la bonne foi et, au fond, sur une sorte de prise en compte d'efforts réciproques de la part des deux parties.

En effet jusqu’à présent, en application du principe selon lequel les contrats doivent être exécutés de bonne foi (article 1104 alinéa 1 du Code civil), la Cour de cassation considérait que la mauvaise foi du bailleur paralysait les effets de la clause résolutoire et ceci à deux niveaux :

  • non seulement pour se prévaloir d’un commandement de payer et solliciter la résiliation du bail,
  • mais également, dans le cas d’une décision de justice octroyant des délais de paiement au locataire et suspendant les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai (Cass.3ème 05/07/1995 n°1532 RJDA 9/95 n°945).

Ce n’est désormais plus le cas lorsque le locataire ne respecte pas les délais fixés par une décision de justice passée en force de chose jugée.

La mauvaise foi du bailleur est alors indifférente et le non-respect par le débiteur du délai institué par le juge conduit à l'application automatique de la clause résolutoire.

Recommandations :

Pour les bailleurs, veiller, au stade de la délivrance du commandement de payer, au respect de la condition de bonne foi : attention à ce titre aux périodes de fermeture du locataire et à ne pas laisser s’accumuler la dette locative.

Pour les locataires en situation de retard de loyers, attention au strict respect de l’échéancier qui leur serait accordé par un tribunal, ceci sous peine de perdre définitivement leurs droits sur le bail.